Remco van Erp, CEO de Corintis : « Le refroidissement des puces est la clé du futur de l'IA »
Concevoir des puces plus performantes sur le plan thermique pour permettre l’avenir de l’informatique : tel est l’objectif de Remco van Erp et de sa startup Corintis. Pionnier des systèmes de refroidissement liquide intégrés sur les puces durant son doctorat, Remco van Erp raconte comment l’interdisciplinarité du Powerlab et l’essor de l’IA générative ont donné l’impulsion à sa start-up, Corintis.
L’émergence de technologies disruptives à succès est souvent le fruit d’échanges d’idées et de mise en commun des savoir-faire entre différents domaines. Arrivé en 2017 à l’EPFL comme doctorant au Powerlab après un Master aux Pays-Bas, Remco Van Erp, était le seul ingénieur en mécanique au sein d’une équipe d’électriciens, designers des puces de demain. « Je développais des solutions de refroidissement liquide placées directement sur les circuits intégrés développés par mes collègues. On me surnommait parfois le plombier », se souvient-il amusé. Ce partage d’expérience se retrouve aujourd’hui au cœur de la spin-off Corintis qu’il a fondée en 2022 avec un ami, Sam Harrison, sur la base de son doctorat.
L’Innogrant come tremplin
Adolescent, l’entrepreneur rêvait avec ses amis de créer un jeu vidéo à l’image de Flappy Birds, devenu un succès planétaire en très peu de temps. « Nous avons essayé plusieurs solutions. Sans succès. Il nous manquait évidemment des connaissances en marketing. Ces expériences nous ont permis de réaliser qu’il était préférable de commencer par étudier quelque chose d’«utile»», sourit-il. Fonder une start-up n’était plus une priorité après son doctorat, mais l’aventure l’a rattrapé. Avant la fin de sa thèse, quelques articles parus dans des revues scientifiques ont attiré l’œil d’industriels à la recherche de solutions de refroidissement pour leurs processeurs toujours plus puissants. « Notre avantage était l’interdisciplinarité que j’ai puisée notamment dans mon doctorat au PowerLab : notre savoir-faire crée un pont entre les designers de chips et les ingénieurs qui s’occupent du refroidissement. Encore aujourd’hui la plupart des entreprises ont deux équipes séparées. Les premiers conçoivent les circuits puis passent la main à leurs collègues pour trouver une manière d’éviter la surchauffe. Or, il s’agit vraiment d’un sujet unique et multi-échelle, puisque les canaux de refroidissement font une centaine de microns de diamètre, et les puces font plusieurs centimètres de large ».
Au tournant des années 2020, avec l’arrivée massive de l’IA, les puces se musclent et se spécialisent. « Elles ont commencé à être dessinées par les grandes entreprises internationales spécifiquement en fonction des applications : centres de données, GPU – composant destiné à accélérer la création et le traitement d'images et de vidéos -: les moteurs des modèles d'IA actuels. ». Observant cette tendance, l’entrepreneur oriente son entreprise vers le développement d’un logiciel permettant d’optimiser le processus de refroidissement des nouvelles puces ultraperformantes en incluant le système dès la conception ainsi que d’un accompagnement pour les designers de puces. « Cette multitude de designs différents fait de nos algorithmes une solution idéale, puisque nous pouvons prédire numériquement la distribution de la puissance et de la température afin d’optimiser la conception des canaux de refroidissement avant la fabrication. Notre solution est jusqu’à 50 fois plus efficace sur le plan énergétique que les systèmes de refroidissement actuels des centres de données ».
L’innogrant de l’EPFL – l’équivalent d’un an de salaire –, obtenu en 2021, pour l’anecdote, le jour de son anniversaire, fait office de tremplin. « C’était un premier pas important qui nous a permis de nous positionner sur le marché », explique l’entrepreneur.
« La limite de ce que nous pourrons faire à l’avenir avec les chips ultraperformantes va être régie par la quantité de chaleur que l’on peut éliminer »
Remco van Erp
« L’arrivée massive de l’IA générative a plaidé en notre faveur »
« Nous avons eu la chance d’arriver au bon moment », reconnait Remco Van Erp. Au début, les investisseurs potentiels trouvaient le système intéressant, mais « ne pensaient pas qu’une nouvelle génération de puces spécialisées ultraperformantes allait vraiment arriver sur le marché et rendre notre système nécessaire ». L’arrivée massive de l’IA générative a aidé au développement de l’entreprise après une levée de fonds de 3,85 millions de francs début 2022.
Corintis est devenue en moins de quatre ans l’une des jeunes entreprises phares du pays : elle a notamment terminé deuxième du classement des 100 start-up les plus prometteuses de suisse en 2024, derrière DePoly, une autre start-up de l’EPFL, et a franchi un échelon supplémentaire avec un tour de financement de plus de 27 millions afin d’engager de nouvelles personnes et se développer rapidement. Selon Remco Van Erp « le refroidissement des bâtiments où se trouvent les centres de données ne suffira bientôt plus. Dans un avenir proche, la puissance de calcul des chips ultraperformantes dépendra avant tout de la quantité de chaleur que l’on peut éliminer afin d’éviter la surchauffe, les pannes et les bugs. »
Auteur: Cécilia Carron

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