«Nous sommes prêts à révolutionner la prescription des antibiotiques»
Danuta Cichocka mène un combat personnel contre les pathogènes avec sa start-up Resistell, qui promet d’être la plus rapide pour mesurer la susceptibilité aux antibiotiques des bactéries dans le sang. Titulaire d'un Executive MBA en Management de la Technologie de l'EPFL, elle est CEO et co-fondatrice de Resistell. La start-up s'est classée 8ème au Top 100 Swiss Startups 2024.
Danuta Cichocka s’est donnée pour mission de combattre les antibiorésistances. Microbiologiste de formation et munie d’un brevet de l’EPFL pour caractériser les résistances bactériennes aux antibiotiques, elle est animée par le désir d’aider les autres et d’améliorer les pratiques médicales. Elle veut assurer que l’on prodigue aux patients les bons nédicaments aussi rapidement que possible avec Resistell, sa start-up et spin-off de l’EPFL, où elle est CEO et co-fondatrice.
«Les résistances sont de plus en plus fréquentes à cause du mauvais usage des antibiotiques à large spectre, explique-t-elle. Avec des maladies extrêmes comme le sepsis, qui peut mener à un choc septique potentiellement fatal, nous ne pouvons pas perdre de temps en administrant des médicaments inefficaces contre une souche bactérienne résistante. Les machines de nouvelle génération de Resistell seront les plus rapides pour établir le profil de susceptibilité des bactéries dans le sang. Elles pourront déterminer le bon antibiotique en deux heures à peine. En comparaison, les méthodes actuelles prennent de 24 à 48 heures et reposent sur de vieilles technologies presque centenaires.»
Les antibiorésistances, Danuta Cichocka en a fait l’expérience de manière personnelle. Enfant, elle a subi une opération mineure du larynx et contracté à l’hôpital deux souches bactériennes, Streptococcus et Staphylococcus aureus. Son antibiothérapie a duré plus de deux ans. «Cette période de ma vie m’a profondément marquée, explique-t-elle. Elle a éveillé mon intérêt pour la microbiologie et le domaine médical, et j’ai même considéré devenir médecin. Mais mes parents s’inquiétaient pour ma santé et les risques d’expositions à d’autres maladies nosocomiales dans le cadre de ce travail.»
Motivée par sa passion pour les sciences de la vie, Danuta Cichocka a obtenu son doctorat en microbiologie au Helmholtz Centre for Environmental Research (UFZ), suivi d’un Executive MBA en management de la technologie à l’EPFL. «J’ai découvert cette incroyable technologie de nanomotion pendant mon MBA à l’EPFL», explique-t-elle.
Développée à l’ancien laboratoire de physique du vivant, par le professeur honoraire Giovanni Dietler et le docteur Sandor Kasa, cette technologie exploite des capteurs micromécaniques, analogues à de petits tremplins, qui mesurent les vibrations des cellules vivantes à l’échelle nanométrique. Ces petits capteurs de silicium peuvent révéler l’état physiologique des cellules, ce qui laisse entrevoir de nombreuses applications dans les domaines des sciences de la vie et des diagnostics médicaux. L’une des plus notables est le test rapide de la susceptibilité aux antibiotiques. «J’ai été captivée par l’élégance et la simplicité de cette solution, qui repose principalement sur les lois fondamentales de la physique. Je suis rapidement tombée amoureuse de la technologie nanomotion», raconte Danuta Cichocka, convaincue du gigantesque potentiel de cette invention de l’EPFL.
Peu après son EMBA, elle s’est lancée dans l’aventure entrepreneuriale. Son concept et son premier business plan ont remporté plusieurs compétitions de startups, dont VentureKick, MassChallenge et de nombreuses autres. En 2018, elle incorporait Resistell et clôturait un premier tour de financement.
«Chez Resistell, nous avons repensé le dispositif nanomotion de l’EPFL, généré de grandes quantités de données relatives aux mouvements et développé des algorithmes de classification avec des outils d’apprentissage machine. Grâce à ces avancées, nous atteignons la précision requise en milieu médical, comme le montrent deux études cliniques. Récemment, nous avons réduit le temps de nos tests à deux heures seulement, et nous continuons d’élargir le spectre des antibiotiques dans le panel de Resistell. Nous sommes prêts à révolutionner la prescription des antibiotiques, en la faisant évoluer d’une méthode empirique à une pratique basée sur un diagnostic», explique Danuta Cichocka.
L’entrepreneuse est pour l’heure en train de lever un second tour de financement de 10 à 15 millions de francs pour appuyer les activités de Resistell, ses 25 employés et son dispositif de nouvelle génération, qui testera toute une gamme d’antibiotiques en deux heures seulement. «Notre dernier article dans Nature Communications montre que notre technologie est viable en milieu hospitalier. Nous travaillons désormais à l’automatisation et à la réduction du processus de diagnostic dans son ensemble pour les patients susceptibles de contracter un sepsis.»
Elle conclut par un conseil aux aspirants entrepreneurs: «Comme le disait Ray Kroc, le président de MacDonalds qui a conduit l’entreprise à son expansion internationale, “Rien au monde ne peut remplacer la persévérance”.»
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